Parfois limite infranchissable, large coupure nette et précise, séparation et frontière, cet interstice peut également se transformer en une zone floue, tiraillée entre deux états. N’appartenant à aucun monde défini, jamais pleinement l’un, jamais complètement l’autre, il se partage entre le proche et le lointain, l’ici et l’ailleurs. Espace intermédiaire diffus, osmose de deux extrêmes, il invente des paysages changeants qui n’existent que le temps d’un instant. Dans cette série, j’aborde le thème de l’eau en m'intéressant aux espaces de l’entre-deux. A l'origine, ce projet est une installation que j'ai imaginée à partir de trois diptyques composés de six photos fixées de manière équidistante. * Mer des Vapeurs / Premier diptyque * Mer des Ondes / Deuxième diptyque * Mer du Froid / troisième diptyque Elles sont liées/séparées par la projection de deux films-photographiques qui, à la manière de nouveaux entre-deux, apporteront un rythme et une approche différente à l'ensemble. Chaque diptyque questionne la nature d'une réalité immédiate directement perceptible et nous entraîne au cœur d’un rapport statique que les photos entretiennent entre-elles et dont seul le regard du spectateur peut apporter mouvement. La projection des deux films-photographiques, Entre-deux I & II, montés uniquement à partir des photos exposées, ouvre de nouveaux champs de dialogue. Ils forment à la fois des « objets » uniques et indépendants qui content l’histoire éternelle du cycle de l’eau mais sont également le lien vers chaque séquence du projet. Ils mêlent les photos des différents diptyques et entraînent le spectateur vers des paysages imaginaires mouvants. Loin d’être neutres, ces zones intermédiaires me servent à questionner la nature et la réalité immédiate des éléments que notre œil perçoit. Ces intervalles, composés de blancs, de noirs, de silences et de grondements, de zones diffuses et floues, trouvent leur origine dans les propriétés physiques de l’eau qui, dans ce projet, passe de sa forme gazeuse à la forme liquide puis solide. L’eau laisse apparaître des univers n’appartenant à aucun monde précis et défini. Ses changements d’état constants, ses capacités de réflexion et d’absorption de la lumière et sa surface mouvante qui tend perpétuellement à vouloir retrouver sa planéité, nous entraînent vers des lieux inconnus, souvent proches de l’horizon. L’idée de l’intervalle entre en résonance avec les caractéristiques intrinsèques de l’eau. Note d'intention musicale pour Entre-deux II / Bruno fleutelot Pour le second film, c'est en utilisant un schéma harmonique proche de ceux utilisés par les compositeurs impressionnistes français (Ravel, Satie, Debussy) que la musique entend proposer d'autres espaces imaginaires. Les climats ainsi créés s’affranchissent de l’habituelle opposition tension / résolution pour s'intéresser, au contraire, à une forme d'immobilisme mouvant. Tout se passe comme s'il n'y avait ni début ni fin, ni espoir ni crainte. La musique n'annonce rien, n'appelle rien, pas plus qu'elle ne résout quoi que ce soit. Entre mouvement et immobilité. Parallèlement à ce travail harmonique, un ensemble de sons concrets, fait de craquements, suintements, bruits d'air et d'eau qui vont et viennent de manière apparemment aléatoire, s'attache à créer un contrechamp « terrien » à cette première couche plus « aérienne ». Entre l'esprit et le corps. Ces deux pièces accordent une importance toute particulière aux textures et sonorités qui les constituent, éléments aussi importants que le travail de composition musicale à proprement parler. Il s'agit d'évoquer un univers avant tout tellurique, quasi tangible, matériel et sensible.